Depuis 2024, l’équipe nationale masculine haïtienne n’a jamais pu jouer à domicile à cause de la violence qui règne dans le pays. Toutes les rencontres de qualification pour la Coupe du monde 2026 ont été disputées à l’étranger — un obstacle de plus pour les Grenadiers, triomphant malgré tout.
Décryptage.
La nuit du 18 novembre 2025, l’émotion a été ressentie dans le cœur de tous les Haïtiens : l’équipe nationale masculine, les Grenadiers, a validé sa qualification pour la Coupe du monde FIFA 2026, pour la première fois depuis 1974.
Le match décisif s’est joué à Willemstad (Curaçao), où Haïti a battu le Nicaragua 2-0. Les buteurs : Louicius Don Deedson, dès la 9ᵉ minute, puis Ruben Providence, juste avant la mi-temps. Cette victoire permet à Haïti de terminer premier du groupe C avec 11 points, assurant une qualification directe.
Chez eux, les Haïtiens ont suivi la rencontre avec ferveur, malgré l’impossibilité de se rassembler au stade. L’ambiance dans les rues a été électrique : drapeaux, klaxons, chants… un moment d’unité porté par la fierté.
Une joie nationale dans un contexte lourd
Hasard du calendrier : le 18 novembre coïncide avec la commémoration de la bataille de Vertières, moment symbolique de la résistance haïtienne face à la colonisation.
En 1803, les forces haïtiennes, sous la commande de Jean-Jacques Dessalines ont battu les forces françaises de Rochambeau dans la Bataille de Vertières, contraignant l’armée de Napoléon à quitter Saint-Domingue.
Cette victoire incroyable de l’armée haïtienne face à la puissance européenne a eu des échos 222 ans plus tard dans le stade de football de Willemstad à Curaçao dans la soirée du 18 novembre 2025.
L’exil forcé des Grenadiers
Depuis des années, en raison de l’insécurité et du contrôle d’une partie de Port-au-Prince par des gangs, l’équipe haïtienne n’a pas disputé un seul match officiel sur son sol.
Toutes leurs rencontres « à domicile » ont dû être délocalisées, notamment à Curaçao et à Barbade.
« Cette qualification historique apporte une bouffée d’espoir, de joie et d’apaisement à tout un pays, éprouvé par plusieurs années de violences. »
Alterpresse, journal d'Haïti
Une équipe de la diaspora
Les Grenadiers sont largement composés de joueurs évoluant à l’étranger :
Le capitaine Johny Placide, 37 ans, est gardien de but à Bastia (Corse),
L’ailier Louicius Don Deedson, 24 ans, qui a marqué contre le Nicaragua, évolue à Dallas (États-Unis),
Ruben Providence, âgé lui aussi de 24 ans, attaquant à l'Almere City Football Club (Pays-Bas), est l’autre buteur de la soirée décisive.
Duckens Nazon, 31 ans, attaquant pour Esteghlal en Iran, n'est qu'à cinq buts de devenir le meilleur buteur de tous les temps d'Haïti. Pendant les qualifications, il a marqué six buts, le meilleur total parmi tous les joueurs de la CONCACAF (Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes).
Une qualification compliquée
En l’espace de quelques mois, tous ces joueurs ont dû créer une équipe soudée. Mais leur parcours n'a pas été simple : au premier tour, battus par Sainte-Lucie (2-1), Barbade (3-1), Aruba (5-0) et Curaçao (5-1), les hommes de Sébastien Migné ont finalement retrouvé la forme durant la dernière phase des éliminatoires.
Haïti a gagné 4 points face au Costa Rica (3-3 et 1-0), 1 point face au Honduras (0-0, 0-3) et 6 points face au Nicaragua (3-0 et 2-0) pour un total de 11 points. Assez pour finir premier du groupe.
Un sélectionneur déterminé
Le Français Sébastien Migné, 52 ans, sélectionneur des Grenadiers, qui a travaillé avec plusieurs équipes sur le continent africain, n’a jamais pu poser le pied en Haïti depuis sa prise de fonction, en raison de la situation sécuritaire.
Pourtant, pendant 18 mois, il a réussi à construire une équipe solidaire, à rallier les talents de la diaspora et à motiver un groupe qui se préparait "loin de sa terre natale" en surmontant notamment des obstacles administratifs (impossible pour certains joueurs en Haïti d’obtenir des papiers à cause de la fermeture des ambassades à Port-au-Prince).
« Le peuple haïtien attend un signe, on va leur montrer qu'on est là. »
Dixit, Sébastien Migné, sélectionneur des Grenadiers, l'équipe nationale d'Haïti
Une qualification aux répercussions symboliques
La phase finale de la Coupe du monde masculine 2026 se déroulera l’été prochain aux États-Unis, au Canada et au Mexique.
Le retour d’Haïti, 52 ans après sa dernière participation en 1974 (en République fédérale d’Allemagne), est un moment d’espoir et un symbole de résilience pour un pays profondément touché par les crises.
C'est la seconde fois en 2 ans, qu'Haïti brillera sur la scène sportive mondiale.
En 2023, pour la première fois de son histoire, l'équipe féminine se qualifiait pour la Coupe du monde de football. La compétition avait eu lieu en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Crédit : Caroline Popovic