Johny Placide, capitaine d'Haïti, savoure la qualification à la Coupe du monde : « On sera là pour kiffer et rendre fier le peuple »
À 37 ans, le gardien Johny Placide (79 sélections) a tout connu avec la sélection haïtienne depuis 2011. Au lendemain de la première qualification pour une Coupe du monde des Grenadiers depuis 1974, le portier du Sporting Bastia est revenu sur cet exploit, qu'il refuse de qualifier comme une « surprise ».
Pour la première fois depuis 1974, Haïti s'apprête à disputer un Mondial. Les joueurs de Sébastien Migné ont battu le Nicaragua (2-0) mardi soir, et ont décroché leur qualification en finissant en tête d'un groupe relevé, devant le Honduras et le Costa Rica. Joint au lendemain de l'exploit, alors qu'il s'apprêtait à quitter l'île de Curaçao, où se disputait la rencontre, pour rejoindre son club de Bastia (Ligue 2), le gardien et capitaine Johny Placide (37 ans, 79 capes) savoure cette qualification.
Quel sentiment vous a traversé l'esprit au coup de sifflet final du match contre le Nicaragua (2-0), synonyme de qualification ?
De la libération ! On avait cet objectif depuis le début et je savais qu'on avait une équipe capable de se qualifier au Mondial. J'ai décidé d'aller en sélection (en 2011) pour ça, pas pour siroter des cocktails au bord des plages. Et là, la qualification arrive à 37 ans, au dernier moment, donc elle est encore plus belle.
Peut-on considérer cette qualification comme une surprise ?
Pas du tout, au contraire ! Dans la zone (Concacaf), on a l'habitude de joueur contre ce genre d'équipes, ils ne nous ont jamais surdominés. On avait auparavant battu le Costa Rica, le Honduras et le Nicaragua plusieurs fois, on savait qu'on avait nos chances (en tant que pays organisateurs, le Mexique, les États-Unis et le Canada étaient qualifiés d'office). On avait cet objectif depuis le début de la phase de qualifications.
Vous y parvenez sans pouvoir jouer à domicile, la FIFA vous obligeant à « recevoir » à Curaçao, à 1 000 km au sud...
La dernière fois qu'on a joué chez nous, je crois que c'était en 2021, un barrage de Coupe du monde contre le Canada (défaite 0-1). C'est un vrai handicap, car en Haïti, il y a une ferveur incroyable, ça nous aurait aidé. On a la qualification, donc on ne va pas se plaindre, mais ce soutien à domicile nous manque. On a trouvé l'énergie nécessaire, mais c'était un peu frustrant, car on avait envie de partager ce moment avec le peuple haïtien. Ils étaient quelques milliers ici, mais on aurait préféré être chez nous.
Que représente justement cette qualification pour le peuple haïtien ?
On voulait marquer l'histoire. Il y a eu 1974, la première qualification d'Haïti, et on voulait faire partie de cette histoire. On avait aussi à coeur de se qualifier sur cette date du 18 novembre, par rapport à la bataille de Vertières (en 1803, date de la capitulation de l'armée française menant à l'indépendance d'Haïti six semaines plus tard). On sait ce que ça représente d'être Haïtiens, on voulait que les gens parlent de nous.
« On a la chance que la Coupe du monde soit en Amérique, c'est juste à côté. La diaspora va se déplacer en nombre »
Plusieurs binationaux ont rejoint la sélection dernièrement et étaient titulaires mardi, comme Jean-Ricner Bellegarde (Wolverhampton) ou Josué Casimir (Auxerre). Avec votre statut de capitaine et "d'ancien du groupe", quel rôle jouez-vous pour les convaincre ?
Je ne suis pas impliqué au sens propre. Maintenant, des Haïtiens jouent partout dans le monde, si j'ai des contacts avec eux, j'essaie de les alpaguer par un petit message de temps en temps. Il faut aussi montrer notre quotidien, parce que des joueurs de gros clubs veulent les meilleures conditions en sélection. On leur montre que c'est carré depuis pas mal d'années, qu'on voyage dans de bonnes conditions. Les décisions sont prises plus haut, mais c'est aussi mon rôle de passer ce message-là.
La qualification désormais en poche, avez-vous des souhaits avant le tirage au sort du 5 décembre ?
On a la chance que ce soit en Amérique, c'est juste à côté. La diaspora va se déplacer en nombre, j'espère juste qu'on ne jouera pas au Mexique (rires). Même s'il y aura sûrement aussi des Haïtiens là-bas, on sait qu'on va remplir les stades au Canada et aux États-Unis. On sera là pour kiffer et rendre fier le peuple.
La qualification d'Haïti à la Coupe du Monde suscite des réactions contrastées, entre fierté nationale et doutes sur l'équité des qualifications. Certains soulignent l'exploit réalisé, tandis que d'autres expriment des réserves quant au niveau de compétitivité de l'équipe.
Crédit : Elio Bono, Matteo Amghar / Courtoisie de L'Equipe

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