Sylvio Paul Cator naît le 9 octobre 1900 à Cavaillon, dans le département du Sud. Fils du général Joseph Milien Cator, membre de la Maison militaire du président Antoine Simon, et de Marie Candio Cator, il grandit dans une famille de négociants en café et en coton.
Le 4 août 1911, âgé de dix ans, il suit son père en exil à la Jamaïque après la chute du président Simon. Il poursuit ses études au St. George’s College de Kingston, où il se passionne pour le football et découvre l’athlétisme. Il fréquente aussi les cercles intellectuels haïtiens animés par d’autres exilés politiques. Cette période jamaïcaine élargit ses horizons et affine sa maîtrise de l’anglais.
En 1918, comme le rappelle Louis Carl Saint Jean dans « Sylvio Cator l’immortel », « C’est un Sylvio Cator tout feu tout flamme qui regagnera Port-au-Prince pour de bon en été 1918 ». Il assiste alors son père, devenu agent général des steamers reliant Port-au-Prince à Santiago de Cuba. Il profite de ses séjours à Cuba pour perfectionner son espagnol et s’initier à la boxe. Parallèlement, il poursuit des études.
En mars 1921, Cator rejoint l’équipe sportive Olympique. Avec d’autres as du ballon rond, il remporte le tournoi conjointement avec l’Excelsior. Le 26 juin 1921, au Parc Leconte, il saute 6,23 mètres, battant de 15 centimètres le record de Constantin Henriquez établi en 1906. Deux jours plus tard, il devient trésorier du club.
Durant l’été 1921, il intègre le Tivoli Athlétique Club (TAC), nouvellement fondé et qui dispose de sections de football, saut, lancer et tennis.
En novembre 1924, après la dissolution du TAC, Cator rejoint le Club athlétique des Sports généraux (CASG) dont il devient capitaine. Il brille également au sein de la sélection nationale aux côtés d’autres joueurs. Sa présence sur les terrains s’espace après 1927.
Le 5 mars 1922, au Ciné-Galant, il affronte le boxeur jamaïcain Moses Daly dans un championnat international de sept rounds. Louis Carl Saint Jean décrit l’événement en ces termes : « Un des plus sensationnels matches de boxe de l’époque, auquel le Ciné-Galant servit de cadre ». Le combat se conclut par un nul.
Il se distingue aussi comme danseur accompli, maîtrisant le fox-trot, le charleston, le tango, la valse et la méringue haïtienne. Dans les années 1920, il transforme sa maison, à l’angle des rues du Magasin de l’État et Dantès Destouches, en centre de danse fréquenté notamment par Jacques Roumain et Louis Déjoie.
Parcours olympique
En 1924, Cator participe aux Jeux Olympiques de Paris. Il concourt au saut en hauteur, où il termine quinzième, et au saut en longueur, où il se classe douzième. Malgré des résultats modestes, cette expérience lui apporte une solide connaissance du haut niveau.
Quatre ans plus tard, en juillet-août 1928, se tiennent les Jeux Olympiques d’Amsterdam. La délégation haïtienne ne compte que deux athlètes : André Théard et Sylvio Cator. Ce dernier, âgé de vingt-sept ans, concourt au saut en longueur. Le 31 juillet, l’Américain Edward Hamm décroche l’or avec 7,73 mètres, tandis que Cator réalise 7,58 mètres et obtient l’argent. L’Américain Al Bates prend le bronze avec 7,40 mètres. Cette médaille d’argent demeure le meilleur résultat jamais obtenu par un athlète haïtien, avec la médaille de bronze de 1924 en tir libre par équipes.
Le 9 septembre 1928 consacre son triomphe. Louis Carl Saint Jean relate : « Au Stade olympique de Colombes (Hauts-de-Seine), notre athlète améliorera le record d’Ed Hamm, en franchissant 7,937 m. Sylvio Cator est champion du monde ». Ce record, premier à dépasser cette marque, tient trois ans.
À son retour, il est accueilli en héros et reçoit notamment une Chrysler décapotable. Son exploit est célébré chaque année jusque dans les années 1950 : « Jusqu’au milieu de la décennie 1950, année après année, Haïti commémorait ce jour, même par une messe à la Cathédrale, ou une journée de réflexion dans nos écoles ». En 1929, il réalise un saut supérieur à huit mètres à Port-au-Prince, non homologué en raison d’un vent favorable.
En août 1931, il devient capitaine de l’équipe nationale d’athlétisme et soutient André Chevalier pour la participation d’Haïti aux Jeux de Los Angeles en 1932. Il y défend les couleurs nationales avec André Théard. Ce dernier termine quatrième du 100 mètres en 11 secondes 40, tandis que Cator atteint 5,93 mètres au saut en longueur et se classe neuvième.
Patriote, entrepreneur et homme politique
Au-delà du sport, Cator s’engage activement dans la vie publique. En 1926, il rejoint le mouvement de Joseph Jolibois et participe à la campagne contre l’inéligibilité du président Louis Borno. Louis Carl Saint Jean rappelle : « Le massacre de Marchaterre, 6 décembre 1929, excita l’ardeur et l’audace du jeune révolutionnaire ». Début 1930, il devient trésorier de la Ligue de la Jeunesse Patriote, présidée par Jacques Roumain.
En février 1930, les patriotes soumettent leurs revendications à la Commission Forbes. Malgré la répression, ils contribuent à la chute du président Borno trois mois plus tard.
En 1929, Cator est correspondant en Haïti de l’agence américaine United Press Associations.
En juin 1930, aux côtés d’André Chevalier, Constantin et Alphonse Henriquez, il préside la Commission de réorganisation du sport haïtien. En parallèle, il dirige le Haitian Tourist Bureau. En juillet 1933, Albert Blanchet, secrétaire d’État des Relations extérieures et des Cultes, avec l’aval du président Sténio Vincent, le nomme attaché spécial à la section du Tourisme.
En 1934, Léon Laleau, successeur de Blanchet, le désigne commissaire du Tourisme. Il multiplie les voyages aux États-Unis pour inciter les compagnies de croisières à faire escale en Haïti. Louis Carl Saint Jean note : « Les principaux promoteurs du tourisme haïtien des années 1950 ont tous suivi le chemin tracé par Sylvio Cator ».
En 1935, il ouvre le bar Chez Cator, rue du Champ-de-Mars, lieu prisé de la jeunesse estudiantine. En 1937, il fonde, avec Édouard Baker, le café-restaurant Savoy, haut lieu des élites intellectuelles et politiques animé par le Jazz Chancy, le Jazz Guignard et le Jazz Duroseau.
Même après avoir quitté la compétition, il arbitre des matchs de football et de boxe. En 1946, le nouveau stade de boxe haïtien porte son nom : le stadium Sylvio Cator.
Vers la fin de sa vie, il s’engage en politique. Louis Carl Saint Jean écrit : « Le 23 janvier 1946, à la chute du président Élie Lescot, la Junte militaire, en quête de crédibilité, le nommera maire de la capitale ». Il occupe ce poste durant cinq mois avant d’être élu, en 1950, député de Cavaillon et d’Aquin. Resté célibataire, il adopte Dalor Cator, fils de sa sœur Valentine.
Sylvio Cator meurt le 21 juillet 1952 à Port-au-Prince, à cinquante et un ans. Le gouvernement lui accorde des funérailles nationales. Le 13 octobre 1953, le stade Paul Eugène Magloire, anciennement Parc Leconte, devient le Stade Sylvio Cator. En 1958, un timbre à son effigie lui rend hommage.
L’historien du football Louis Chauvel l’a surnommé l’immortel. Ce qualificatif demeure pleinement mérité, cent vingt-cinq ans après sa naissance.
Crédit: Claudel Victor
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