Dans les quartiers de Friusa et de Mata Mosquitos, à l’est de la République Dominicaine, un étrange silence s’est installé.
Là où, jusqu’à récemment, les rues vibraient de l’activité des travailleurs haïtiens, l’ambiance est désormais marquée par l’absence et l’angoisse. En l’espace de 48 heures, plus de 600 ressortissants haïtiens en situation irrégulière ont quitté volontairement le territoire, poussés par la montée en puissance des opérations migratoires menées par la Direction Générale des Migrations, épaulée par les Forces Armées dominicaines.
Officiellement, il s’agit de départs « volontaires ». Mais dans les témoignages recueillis, le terme prête à débat. « On n’a pas été frappés, mais on nous a dit que si on ne partait pas maintenant, ce serait pire », confie un jeune ouvrier de la construction croisé à la frontière de Dajabón. La peur d’être arrêté, enfermé, voire renvoyé de force, pousse beaucoup à devancer l’appel. D’autres fuient simplement pour préserver ce qui leur reste de dignité.
Ces opérations massives s’inscrivent dans une dynamique plus large : une politique migratoire de plus en plus stricte prônée par les autorités dominicaines, dans un contexte électoral tendu et de crispations identitaires croissantes. Le président Luis Abinader a fait de la régulation de l’immigration un pilier de son programme.
Mais à quel prix humain ?
Du côté haïtien, ces retours précipités mettent sous tension des villes frontalières déjà débordées, sans aucun mécanisme d’accueil structuré. Aucun soutien, aucune coordination entre les deux États pour encadrer ces flux. Les autorités haïtiennes, embourbées dans leurs propres crises, restent spectatrices de cette tragédie silencieuse.
À Friusa, certains locaux dominicains se disent soulagés. Mais d’autres s’inquiètent : « Ce sont eux qui faisaient tourner nos chantiers et nos hôtels. On ne sait pas comment on va faire », murmure un entrepreneur. Le départ des Haïtiens, au-delà du choc humain, pourrait bien avoir des répercussions économiques imprévues pour la République voisine.
Entre politique migratoire, enjeux de sécurité et humanité bafouée, ce « retour » massif des Haïtiens sans papiers est le symptôme d’une fracture profonde que seule une coopération binationale sérieuse pourra commencer à réparer.
Crédit : Smith PRINVIL
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