Radio Internationale d'Haïti publie, in-extenso, (Texte et Video) l'allocution du Premier Ministre par intérim d’Haïti, Dr. Ariel Henry, à la Tribune des Nations Unies, ce vendredi 22 septembre 2023.
Dans son discours, Ariel Henry aborde la question des activités criminelles des gangs et révèle, pour la première fois, l’existence de trafic d’organes, un sujet qui n’avait jamais été évoqué par le gouvernement jusqu’à présent.
Ariel Henry aborde de front la question de l’assassinat de Jovenel Moïse, tandis que des partisans de Moïse à l’extérieur du siège des Nations Unies accusent le Premier Ministre de complicité dans cet acte criminel. le 7 juillet 2021.
Ariel Henry, exprimant sa perspective en tant que dirigeant élu, encourage les membres de la diaspora haïtienne à envisager un retour à leur pays d’origine.
Le discours du Premier Ministre Ariel Henry met particulièrement en avant sa proposition de faire envoyer une force multinationale en Haiti, une mesure en contradiction avec la Constitution haïtienne. Ariel Henry s’exprime comme s’il se préoccupait des problèmes auxquels les Haïtiens sont confrontés, livrés à l’indifférence face aux gangs criminels.
Ariel Henry qualifie la crise à la frontière, notamment la situation à la rivière Massacre, de malaise inutile.
Ariel Henry exprime sa reconnaissance envers le Kenya et évoque pour la première fois la mission d’évaluation déployée sur le terrain, tout en restant succinct quant aux détails. Il n’oublie pas de mentionner les visites fréquentes des délégations de la Caricom à Port-au-Prince.
Après le discours du PM haïtien, nous publions également sa biographie complète.
Enfin bref, l'allocution du Dr. Ariel Henry 👇
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Monsieur le président de l’assemblée générale, monsieur le secrétaire général, excellences, mesdames et messieurs les chefs d’État et de gouvernement, mesdames et messieurs les chefs de délégation, distingués délégués,
Tout d’abord, permettez-moi d’adresser mes félicitations aux frères de la Caraïbe, en particulier à Son Excellence Monsieur Dennis Francis, pour son élection à la présidence de la 78e session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Je saisis cette occasion pour exprimer toute la gratitude du peuple haïtien envers le Secrétaire général Antonio pour sa récente visite dans notre pays et son soutien inébranlable à la démarche d’Haïti auprès du Conseil de Sécurité pour obtenir du soutien en faveur de notre police nationale.
Monsieur le président, je me réjouis du thème choisi pour guider nos interventions au cours de cette session : « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale, accélérer l’action en faveur du Programme 2030 et de ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous ». Il est de notre responsabilité d’examiner et de proposer des solutions aux principaux défis mondiaux. Il est essentiel de comprendre que le développement est indissociable de la paix et de la sécurité, et que nous devons faire preuve de solidarité et de détermination pour relever ces défis.
Le monde, à la veille de l’échéance de 2030, va mal et traverse une période difficile. Les nombreux conflits en cours ont des conséquences désastreuses pour les populations civiles, et les crises liées à la sécurité, à la santé et à l’alimentation se multiplient. Il est crucial de souligner l’impact de la sécurité alimentaire, fortement influencée par les conflits et les violences. Le rapport mondial sur les crises alimentaires de 2022 a révélé que 258 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë et avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence. En août dernier, mon pays a participé au débat public sur la famine et la sécurité alimentaire mondiale, organisé par le Conseil de Sécurité, afin de sensibiliser à cette urgence.
De plus, l’économie mondiale, depuis la crise du Covid-19, est en stagnation, l’inflation affecte de nombreuses économies, et les perspectives de croissance sont peu encourageantes. Cette situation a des répercussions significatives sur les pays les moins avancés, notamment le mien, qui doit faire face à la volatilité des prix et à une grave crise, aggravée par une détérioration de la sécurité nationale.
Il est également essentiel de mentionner l’impact du changement climatique, en particulier pour les petits États insulaires comme Haïti, qui sont confrontés à des menaces constantes. Les catastrophes naturelles ont des conséquences dévastatrices sur l’économie de la région caraïbe, remettant en question les progrès enregistrés sur les plans social, économique et politique.
En ma qualité de chef de gouvernement d’Haïti, je saisis cette opportunité pour exposer la situation critique dans laquelle se trouve mon pays. Nous sommes plongés depuis plusieurs années dans une crise multidimensionnelle qui impacte nos institutions et entrave le développement économique et social. Cette crise a atteint un niveau critique avec la détérioration de la sécurité, marquée par des attaques violentes de gangs armés qui contrôlent de nombreux quartiers de la capitale et de certaines villes de province.
La dégradation de la situation sécuritaire a entraîné une nouvelle crise humanitaire, avec des déplacés internes, estimés à plus de 16 500, fuyant la violence des gangs. Ces personnes font face à d’énormes difficultés, vivant dans des conditions précaires, et font également face à une menace sanitaire avec des cas de choléra signalés dans certains sites.
Les abus et les violations systématiques des droits de l’homme, perpétrés par les gangs armés, compromettent la paix, la stabilité et la sécurité du pays. Les enlèvements, les pillages, les incendies, la violence sexuelle et sexiste, le trafic d’organes, la traite des personnes, les homicides, les exécutions extrajudiciaires et le recrutement d’enfants-soldats sont autant de crimes qui ont de graves conséquences. La mauvaise performance économique persiste, avec cinq années de contraction économique, une croissance négative et une inflation élevée d’environ 40%. Environ 4.8 millions de nos compatriotes se trouvent en insécurité alimentaire, soit près de la moitié de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars américains par jour.
Nous ne sommes pas ici pour accabler ou justifier le passé, mais pour demander aux pays amis de comprendre la situation d’urgence à laquelle nous sommes confrontés et de nous aider à créer un meilleur avenir pour les enfants d’Haïti en rétablissant la sécurité et la stabilité.
Haïti a connu plusieurs chocs successifs au cours des 15 dernières années, notamment trois catastrophes cycloniques et l’assassinat odieux du président Jovenel Moïse en juillet dernier. Il est aujourd’hui impossible de dissimuler la réalité. Chaque mauvaise décision, comportement inapproprié et radicalisme ont contribué à notre détresse. Une fois de plus, je sollicite de cette tribune une aide pour les Haïtiens, afin qu’ils puissent trouver la paix et la tranquillité sur leur terre natale. Dans un monde où les destinations idéales se font de plus en plus rares en raison des aléas climatiques et des crises économiques récurrentes, nous demandons votre soutien pour faire face aux défis qui se posent à nous.
Certaines nations ont déjà fait face à des situations similaires à celle que vit actuellement Haïti. Notre peuple aspire à retrouver la liberté de circuler et à s’épanouir dans son propre pays. De nombreux Haïtiens se trouvent aujourd’hui dans le monde entier, mais beaucoup espèrent un retour dans leur pays d’origine dès que la stabilité y sera rétablie. Nous sommes reconnaissants envers les pays qui ont apporté leur soutien, mais nous souhaitons également pouvoir dire à nos compatriotes qu’ils peuvent rentrer chez eux en toute sécurité pour participer à la reconstruction.
Monsieur le président, je tiens à affirmer que nous sommes prêts au changement que nous attendons depuis longtemps. Nous aspirons à une liberté totale qui permettra à chaque citoyen de s’épanouir dans la dignité et des conditions décentes. La question de la sécurité reste notre priorité absolue. La circulation des armes à feu et les actes criminels sont des défis majeurs pour notre gouvernement. Nous appelons le Conseil de Sécurité à agir en urgence en autorisant le déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité, composée de forces policières et militaires, en collaboration avec la police nationale d’Haïti, afin de rétablir l’ordre.
Cependant, l’emploi de la force, bien que nécessaire, ne suffit pas. Il est essentiel de prendre en compte le développement socio-économique pour lutter durablement contre l’extrême pauvreté, source de nombreux problèmes. Les inégalités sociales et la mauvaise répartition des richesses nationales créent un fossé entre les masses populaires et une minorité qui détient 90% des richesses du pays.
Je lance un appel à tous les acteurs de bonne foi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’Haïti, pour travailler avec le gouvernement dans la lutte contre les gangs et le rétablissement de la sécurité. La démocratie doit prévaloir, et le gouvernement est déterminé à mettre en œuvre les meilleures idées. Dans les jours à venir, nous finaliserons le lancement du processus électoral avec le soutien de la communauté internationale. Nous invitons tous les acteurs politiques, la société civile, les femmes et les jeunes à participer activement à cet effort pour redresser Haïti.
Seul un gouvernement légitime issu d’élections libres, honnêtes, démocratiques et transparentes pourra relever le défi de la refondation territoriale, économique et sociale. Je souligne également l’importance de la participation de la communauté internationale pour résoudre la situation à la frontière avec la République dominicaine, afin d’éviter des tensions inutiles entre nos deux nations.
Je tiens à rappeler que Haïti ne cherche pas la guerre, mais la paix. Nous sommes un peuple généreux et solidaire, prêt à dialoguer et à partager équitablement des ressources communes dans le respect mutuel. Nous ne souhaitons pas de conflits avec nos voisins, mais cherchons à vivre et à progresser ensemble. La violence ne peut que causer des regrets et laisser des amertumes qui se transmettent de génération en génération. Je suis ici pour transmettre ce message et demander votre attention à cette situation.
Ce gouvernement intérimaire que je dirige est déterminé à réaliser les meilleures avancées malgré la situation. En accord avec le conseil, nous finalisons les démarches pour le lancement du processus électoral avec le soutien de la communauté internationale. Notre gouvernement s’engage à poursuivre le dialogue avec tous les acteurs politiques et de la société civile de mon pays pour trouver ensemble un consensus historique permettant de mettre fin à la crise démocratique en cours.
Nous souhaitons également encourager la participation significative des femmes, des jeunes et de la société civile, ainsi que de tous les acteurs concernés, à nos efforts communs pour restaurer la stabilité. Seul un gouvernement légitime issu d’élections libres, honnêtes, démocratiques et transparentes pourra entreprendre la tâche de la refondation territoriale, économique et sociale.
Je tiens à attirer l’attention de la communauté internationale sur une situation qui s’est développée ces dernières semaines à la frontière avec la République dominicaine. Nous ne sommes pas en guerre avec nos voisins. Les Haïtiens sont un peuple généreux et solidaire qui croit au dialogue et à la possibilité de partager équitablement des ressources communes dans le respect mutuel.
Nous devons éviter de réveiller de vieilles blessures historiques entre la République d’Haïti et la République dominicaine. Nous réaffirmons notre droit souverain d’utiliser les ressources hydriques binationales de manière équitable, conformément aux accords signés entre nos deux pays en 1929 et 2021.
Avant de conclure, je tiens à saluer les pays frères et les organisations internationales pour leur engagement et leur solidarité envers Haïti. Je remercie notamment le Kenya pour son accueil favorable à l’idée de prendre en charge la mission multinationale de soutien à la sécurité. Enfin, je rappelle que Haïti, tout comme l’Afrique, croit en la coopération internationale pour un avenir meilleur.
Je vous remercie.
Biographie du Dr. Ariel Henry
Ariel Henry, né le 6 novembre 1949, est un homme d'État haïtien. Il est Premier ministre depuis le 20 juillet 2021. Son gouvernement assure l'intérim de la présidence de la République à la suite de l'assassinat de Jovenel Moïse.
Carrière professionnelle
Ariel Henry a reçu une formation de médecin en neurophysiologie et neuropathologie à la faculté de médecine de Montpellier. Il est professeur d'université.
Parcours politique
Dialogue de 2004
Après le coup d’État de 2004 contre le président Jean-Bertrand Aristide, il prend part au « Conseil des sages » chargé de désigner un chef de gouvernement.
Ministre
Après avoir été membre du cabinet du ministère de la Santé, il en prend la tête. Il devient ensuite ministre de l'Intérieur de janvier à septembre 2015, puis ministre des Affaires sociales et du Travail de septembre 2015 à mars 2016 sous la présidence de Michel Martelly.
Premier ministre
Désignation et assassinat de Jovenel Moïse
Après la démission de Joseph Jouthe, il est désigné Premier ministre le 5 juillet 2021. Il doit alors prendre ses fonctions le 7 juillet.
Le 7 juillet, le président Jovenel Moïse est assassiné. Le lendemain, Henry estime être le Premier ministre en fonction. Le 9 juillet 2021, le président du Sénat Joseph Lambert est désigné par une résolution du Sénat pour succéder à titre intérimaire à Jovenel Moïse. Cette décision est soutenue par de nombreux partis parlementaires, dont le PTHK du défunt président. Ariel Henry est par ailleurs confirmé comme Premier ministre. L'investiture de Lambert, prévue pour le 10 juillet, est finalement reportée à la demande des États-Unis.
Entrée en fonction
Ariel Henry est appuyé par le Core Group, constitué par l'Allemagne, le Brésil, le Canada, l'Espagne, les États-Unis, la France, l'Union européenne et les émissaires de l'Organisation des États américains et de l'ONU.
L'ingérence des puissances occidentales, particulièrement des États-Unis, dans le processus de désignation du nouveau chef du gouvernement haïtien a été dénoncée par des centaines d’organisations représentant la société civile haïtienne, qui se sont unies autour d’un programme commun. De même, l’envoyé spécial des États-Unis en Haïti, Daniel Foote, critiquera dans sa lettre de démission en septembre 2021 cette ingérence : « Je pense qu’Haïti ne connaîtra jamais la stabilité tant que ses citoyens ne seront pas jugés dignes de choisir leurs dirigeants en toute équité et honnêteté [...] On ne peut qu’être effaré par cette illusion de toute-puissance qui nous persuade que ce serait à nous, une fois de plus, de désigner le vainqueur ».
Il forme son gouvernement le 19 juillet. Il prend ses fonctions le lendemain alors que son gouvernement assure l'intérim de la présidence de la République.
Séisme de 2021
À la suite du séisme survenu le 14 août 2021 dans la péninsule de Tiburon (sud d'Haïti) qui fait environ 2 200 morts, le Premier ministre Ariel Henry décrète l'état d'urgence pour un mois dans les quatre départements affectés par la catastrophe.
Report des élections de 2021 et crise politique de 2022
Le 10 septembre, le procureur général de Port-au-Prince, Bed-Ford Claude, réclame à ce qu'Henry soit auditionné pour avoir été en contact avec l'un des cerveaux présumés de l'assassinat du président Moïse. L'intéressé dénonce des « manœuvres de diversion ». Le 14 septembre, Claude demande l'inculpation du Premier ministre et son interdiction de quitter le territoire. Henry décide de le limoger en réaction. Henry limoge le ministre de la Justice Rockfeller Vincent le lendemain.
La dissolution le 27 septembre du Conseil électoral provisoire par le Premier ministre Ariel Henry reporte de facto sine die les scrutins prévus en 2021.
La criminalité s'est encore intensifiée dans les derniers mois de l'année 2021, avec près d'un millier d'enlèvements.
Le 17 octobre 2021, il est contraint de quitter précipitamment une cérémonie en hommage à Jean-Jacques Dessalines, le père de l’indépendance, à la suite de coups de feu. L’auteur du coup de force, le chef de gang Jimmy Chérizier, entendait ainsi rendre hommage au président assassiné Jovenel Moïse, qu'il présente comme un modèle dans la lutte contre la corruption.
Alors que l'opposition tente de le remplacer par un exécutif et un gouvernement provisoire d'ici le 7 février 2022, date prévue pour la fin du mandat du président Jovenel Moïse, les États-Unis estiment qu'Ariel Henry peut se maintenir au pouvoir jusqu'à la tenue de nouvelles élections. En janvier 2022, l'ancien Premier ministre Fritz Jean présente sa candidature à la présidence de la République au Conseil de transition, institué par des partis d’opposition lors de la signature des accords de Montana. À la suite de cette consultation, Fritz Jean est élu président de la République et Steven Benoît au poste de Premier ministre. Ariel Henry refuse de quitter le pouvoir, estimant que son mandat est d'organiser de nouvelles élections. Le président du Sénat Joseph Lambert estime que le mandat du gouvernement prend fin le 7 février, et qu'au delà de cette date, il ne devrait qu'expédier les affaires courantes jusqu'à la tenue d'une concertation nationale. Les journées du 7 et 8 février sont finalement calmes et se déroulent sans incident.
En juin 2022, il annonce la tenue d'élections « dans les meilleurs délais » une fois la situation sécuritaire rétablie.
Alors que le niveau de vie est déjà très bas pour la majorité de la population haïtienne, la décision d'Ariel Henry d'augmenter de près de 130 % le prix de l'essence et de 90 % celui du kérosène et du diésel provoque des manifestations massives à partir 14 septembre 2022 à Port-au-Prince et dans plusieurs grandes villes du pays. En outre, la hausse du dollar, l’inflation généralisée et les pénuries alimentaires accentuent la crise économique qui sévit à Haïti.
Le 21 décembre 2022, un nouvel accord politique prévoit la tenue de nouvelles élections en 2023, l'investiture d'un nouveau président pour le 7 février 2024, et l'instauration d'un Haut Conseil de la transition de trois membres et d'un organe de contrôle de l'action gouvernementale...
Crédit: Radio Internationale d'Haïti
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